Par où commencer ? • Infolettre #2
Et si la réponse n'était pas de tout apprendre ni de tout savoir faire ?
Bienvenue dans cette seconde édition du nouveau format de L'éclaircie, l’infolettre de l’atelier senuba dédiée à la communication accessible ☀️ Pour les nouveaux et nouvelles venues, je suis Cécile, designer des mots et des images, engagée pour une société plus inclusive.
Ce mois-ci, je me suis intéressée de près à LA question qui revient sans cesse dans mes échanges avec vous : “Par où commencer quand on est une petite structure qui tient à bien faire, mais qui manque de ressources pour concevoir une communication plus accessible ?”
Je pensais avoir la réponse à cette interrogation jusqu’à ce qu’une conférence me ramène à l’essentiel…
Au programme
Sur le terrain ce mois-ci : un événement, une liste avortée et un conseil avisé.
Les ressources du mois à lire, à voir ou à écouter.
À l’atelier, ça balise et ça déménage !
Le mot de la fin en direct-live d’un train.
🟡 Sur le terrain ce mois-ci
Tous les mois, je vous embarque dans le quotidien d’une communicante accessible au travers d’une anecdote, d’une réflexion ou d’un apprentissage glané en chemin.
Une liste en cinq points
Dans une salle baignée de lumières roses et violettes, protégées de la chaleur féroce du dehors, près de six cent personnes ont répondu présentes à la sixième édition de A11Y Paris, rendez-vous annuel incontournable consacré à l’accessibilité numérique.
Le programme est dense : conférences, tables rondes et ateliers vont permettre de célébrer un engagement commun : rendre les services et les produits numériques accessibles à tous-tes, tout en naviguant entre les impératifs légaux, la conformité technique et la prise en considération des besoins humains.
Toute la journée durant, pendant que les représentants de grandes entreprises expliquaient comment ils avaient bien avancé sur le sujet, je n’ai cessé de repenser aux nombreux échanges que j’avais eu avec vous cette même semaine.
Vous, qui êtes animés de cette envie rugissante de communiquer plus justement, vous qui voulez défendre des valeurs d’inclusion et d’équité, vous qui, à chacune de nos conversations, exprimez un même sentiment : la frustration.
L’envie de bien faire.
L’éparpillement.
L’impatience.
La crainte devant la tâche.
La pression auto-imposée de devoir tout lire et tout savoir.
Les questionnements incessants.
Le manque de formation adaptée.
L’absence d’interlocuteurice privilégiée.
Carnet de notes en main, je me suis éclipsée de la salle de conférences pour griffonner une réponse à la question “Par où commencer lorsque l’on est (ou que l’on fait partie de) une petite structure qui veut se lancer en communication accessible ?” Je me suis raccrochée à mon propre parcours pour rédiger une liste en cinq points, que j’imaginais parfaite tant pour vous que pour répondre au format de cette infolettre.
C’était avant de retourner dans la salle pour écouter la dernière conférence de la journée.
Écouter
Kévin Bustamante est référent handicap chez TF1. Son témoignage était fort (et) rafraîchissant. Sur un ton optimiste et joyeux, son intervention portait pourtant sur les obstacles qu’il a rencontrés toute sa vie durant en tant que personne aveugle : difficultés d’accès aux études supérieures, inacessibilité des offres d’emploi, lutte pour obtenir un poste adapté. C’était vivant, c'était vrai, c’était drôle et révoltant à la fois, c’était du concret dans un univers où règnent en maître les grilles d’évaluation et les taux de conformité.
Pendant que l’audience applaudissait, j’ai repensé à Manon qui ne comprenait pas le mot “territoire” sur un document FALC dont j’avais la charge ; j’ai repensé à Valentin qui m’expliquait se remettre difficilement d’une scolarité chaotique pour cause de dyslexie montrée du doigt ; j’ai repensé à Manuel quand il m’a fait comprendre que, sans sa plage braille1, il était aveugle une seconde fois.
Ces témoignages me rappellent pourquoi j’ai choisi de revisiter mon métier de graphiste de fond en comble pour créer des supports adaptés, tant sur le fond que sur la forme. Ces expériences me revigorent, me donnent un coup de fouet pour aller plus loin sur le sujet. Et je mettrais ma main à couper que cela aurait le même effet chez vous !
Alors, même si elle partait d’un bon sentiment, pourquoi vous partager une sorte de to-do-list à rallonge ? Car à la question “Par où commencer ?”, le meilleur conseil que je pourrais vous donner est le suivant : il faut écouter.
Et si vous ne savez pas par où commencer pour écouter, voici ce mois-ci une sélection de ressources parmi celles que j’ai aimé consulter.
🟡 Les ressources du mois
Pas le temps de lire les quarante-douze signets ouverts sur votre navigateur ? Chaque mois, je vous propose de découvrir une sélection de contenu et de ressources triées sur le volet.
À lire, à parcourir
À quoi ça ressemble, un monde accessible ?
Pour célébrer la première année de “Un monde accessible”, Céline Ripolles, traductrice, sous-titreuse et formatrice spécialisée dans l'accessibilité, a souhaité marquer le coup en proposant une édition spéciale de son infolettre : des témoignages de personnes handicapées partageant leur vision d’un monde plus inclusif.
Vis ma vie de sourde
J’ai rencontré Sophie Drouvroy, experte en accessibilité numérique, la semaine dernière bien que je suivais son blog “Vis ma vie de sourde” depuis des années. Ses articles relatent les anecdotes, les expériences et les obstacles qu’elle rencontre au quotidien en tant que personne sourde et en tant qu’entrepreneuse.
La différence invisible
Blog, infolettre et… bande dessinée ! Dans “La différence invisible”, le personnage de Marguerite, approchant la trentaine, comprend enfin pourquoi elle s’est toujours sentie en décalage par rapport aux autres. Un ouvrage non seulement très beau, graphique et expressif, mais aussi poignant dans sa manière de raconter la douleur de se sentir si différent-e.
À voir, à écouter
Le handicap et la scolarité
Lorsque j’habitais à Montpellier, je me rendais régulièrement au Gazette Café, une institution locale où de nombreux rendez-vous culturels et sociétaux sont organisés. Une fois par mois, la troupe de Dear Valid People y anime une conférence thématique sur le handicap, accompagnée d’invités témoignant de leur quotidien. La conférence qui m’a le plus marquée est l’intervention de Lola, élève de collège, qui raconte ses difficultés en milieu scolaire à cause de sa dyslexie.
🔗 Voir la conférence sur Youtube (transcription automatique)
Une vague idée des couleurs
En design graphique, les couleurs jouent un rôle prépondérant dans l’esthétisme et la lisibilité d’une information. Qu’en est-il quand on ne les distingue pas ? Tiffany, atteinte d’achromatie, trouve d’autres repères pour naviguer dans un univers en noir et blanc. Spoiler alert : l’épisode contient une bonne pratique d’un graphisme plus accessible : parier sur les contrastes et les formes.
Si vous avez envie de raconter une expérience ou de relayer un vécu, je serai ravie de vous lire — par retour d’email ou en commentaire sur Substack.
🟡 Ce qui se passe à l’atelier
Écouter, lire et apprendre oui, mais il faut aussi mettre les mains dans le cambouis ! Voici comment ça se traduit, en vrai, dans les projets du moment à l’atelier.
Je continue de baliser sévère
Comme il se trouve qu’une nouvelle loi oblige un certain nombre d’entreprises à rendre leurs documents accessibles, le mois de juin a de nouveau été synonyme d’accessibilité bureautique (ou comment faire en sorte que l’information contenue dans un PDF soit correctement restituée pour l’utilisateurice d’une technologie d’assistance). Je ne peux pas encore vous montrer le projet, mais voilà grosso modo ce à quoi ressemble mon écran ces temps-ci :

Entre deux manips, j’ai voulu vulgariser ce que j’étais en train de faire dans une publication Linkedin toute simple. Celle-ci a bien plu, alors je vous la partage si vous l’avez manquée. Et pour en savoir plus sur ce service (ou parce que, vous aussi, cette histoire de balises vous fascine), ça se passe par ici.
FALC et Graphisme, en vrai.
À la mi-juin, l’atelier a déménagé à Paris pour animer un module Graphisme spécial FALC dans les locaux d’une association — j’en reparlerai prochainement. Ce fut un régal d’accompagner une équipe de professionnelles aux métiers pluriels pour qu’elles transforment leurs écrits faciles à lire et à comprendre en un document beau et lisible à la fois. Cette expérience a confirmé un truc : oui, on peut apprendre à mieux faire, même sans être du métier !
Ça vous intrigue ? Alors, restez dans le coin : l’été va sentir bon le sable chaud les nouvelles publications pratiques. Je prépare notamment une série d’articles pour vous accompagner à la rentrée… si je ne fonds pas sur mon bureau d’ici là 🥵
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🟡 Le mot de la fin
A11Y Paris terminé, j’ai quitté la capitale ravie d’avoir tant appris et d’avoir tant à apprendre encore.
Dans le train du retour, je sursaute quand un homme, visiblement stressé, surgit dans la rame en demandant : “S’il vous plaît, où se trouve la place 15C ?”
Un passager lui répond en montrant une étiquette du doigt : “Regardez, c’est noté ici : siège 12A. Le siège 15C, c’est plus loin. Vous voyez ?”
Et bien non : l’homme n’avait pas vu. Il se trouve qu’il était malvoyant et que la signalétique des sièges n’était pas suffisamment lisible pour lui.
Le train a démarré et j’ai souri, plus déterminée que jamais.
C’est tout pour ce mois-ci ! La prochaine sera publiée le mardi 5 août. Nous y parlerons de formations et d’ateliers que je souhaite développer pour vous débuter votre chemin vers une communication plus accessible.
D’ici là, si l’un de vos projets soulève des questions ou si vous avez envie d’échanger autour de la communication accessible, je suis toute ouïe : un message, un rendez-vous, une conversation, et on voit comment démarrer ensemble.
Prenez soin de vous et à bientôt, toujours avec coeur et enthousiasme ☀️
Cécile, designer de proximité.
atelier senuba | communication accessible
M’écrire : bonjour[at]senuba.com
Une plage braille est un dispositif qui permet d’afficher en braille un texte présent à l’écran.